Gises# But you're the King and i'm a Lionheart

"Je me suis mis à déconner complètement, y'a quelque chose qui a sauté là-dedans. Je sais pas, je pense que c'est parce qu'inconsciemment j'ai eu l'impression de perdre le contrôle sur toutes les choses dans lesquelles j'étais impliquée, sur tous les éléments de ma vie. Ça m'a plongé dans un état de colère absolument indescriptible. C'était insoutenable. C'est comme être enfermée dans une boite sans lumière dans laquelle le temps s'arrête. C'est comme être dans les limbes en fait, tu peux plus aller en avant, plus aller en arrière, tu peux plus aller dans aucune direction, t'es complètement bloquée, à l'arrêt en panne… t'as les pieds dans le ciment."


Vacarme chez les Felter, mon père et ma mère sont au cœur d’une énième dispute. Mes frères, ma sœur et moi sommes à l’étage, on s’est réunis dans la même chambre, comme pour se soutenir, l’union fait la force après tout. Il faut dire que mon père est psychiatriquement atteint, il a été diagnostiqué bipolaire il y a quelques années et cette pathologique risque de mener notre famille à sa perte. J'ai toujours été une force de la nature, pas du genre à me plaindre et plutôt du genre à me battre pour m'en sortir. Mais il faut bien avouer que face à la bipolarité de mon père, je me sens faible et impuissante, je redeviens une petite fille impuissante... et il faut bien avouer que ça me fait peur aussi. Quand il est en phase maniaque, il dépense l’argent à foison et quand il est en phase dépressive il n’est plus capable de gérer l’entreprise. Ouais je vous l’accorde on est dans la galère, la vraie. Une phrase parvient jusqu’à nous, « Si y’avait pas ton batard aussi ça me ferait plus d’argent à dépenser ! Et oui je dois le nourrir celui-là aussi même si il n’est pas de moi. », j’attrape la main de mon demi-frère pour la serrer fort dans la mienne. Quand papa est en crise, mon frère devient sa tête de turque préféré. « Tu sais bien qu’il ne le pense pas. », « Gises, t’es adorable mais … tu sais bien que c’est ça qu’il pense vraiment. ». Je soupire et pose ma tête sur son épaule. Les minutes passent, la dispute s’envenime… j’en ai marre, je me lève d’un bond, sors de la chambre et dévale les escaliers pour sortir.  Je cours, jusqu’à en perdre haleine, jusqu’à ne plus pouvoir sentir mes jambes, jusqu’à ce je n’en puisse plus et je tousse à en cracher mes poumons. J’aime ma famille mais parfois j’aimerais juste… qu’elle disparaisse. J’aimerais qu’on soit une famille normale avec des problèmes normaux, du genre est ce qu’on mange des pancake avec du sirop d’érable ou des myrtilles au petit déjeuner ? Blasée, je reviens vers la maison et me rends dans mon atelier, il n’y a que là où je peux exprimer ce que je ressens tout au fond, j’ai toujours été très franche mais il y a des choses que je ne peux malgré tout pas dire à ma propre famille. Je mets une toile vierge que mon chevalet et commence à peindre. Plus tard, on frappe à la porte. Je fronce les sourcils, en me demandant qui ose faire ça. La personne en question n’attend pas ma réponse et entre. Je soupire, il n’y a que mon meilleur ami Malo pour se comporter de la sorte. Je tourne la tête vers lui, « Qu’est-ce que je peux pour toi ? », il prend un air faussement interloqué « Bonjour à toi aussi rayon de soleil. ». Je me retourne vers ma toile, ignorant son sarcasme, « Je venais te voir et j’ai entendu le vacarme dans ton salon alors je me suis dit que tu avais du te réfugier là. ». J’hausse les épaules, « Ouais… toujours la même chose, mon père ne veut pas se soigner, dilapide l’argent de la société en dépenses inutiles et prostituées de luxe… les joies de la phase maniaque d’un bipolaire. ». Silence. « Tu peins quoi ? », je ne peux empêcher un sourire de naitre sur mes lèvres, il a bien compris que c’était pas le moment, « C’est abstrait, c’est sensé représenter   le désespoir, l’impuissance, la tristesse … ma vie quoi. », hmm je vous présente Gises, 18 ans, complétement désabusée par la pathologie de son père … Malo s’approche de moi et pose une main rassurante sur mon épaule, « Je te promets que tant que je serais dans les parages il ne t’arrivera rien de mal. », au plus profond de moi, je le crois, Malo il a toujours été là pour moi et inversement, il fait partie de moi, sans lui je ne suis plus rien moi, c’est le seul repère que j’ai dans ma vie. Mais cette simple phrase m’a fait manquer un battement de cœur … je crois que c’est là que mes sentiments ont commencé à changer …


« C’est à toi de jouer mon ange…. » dit Malo en désignant du menton un jeune homme un peu plus loin, « T’es prête à user de tes charmes ? », je  le regarde en haussant un sourcil, le genre qui veut dire ‘non mais t’es sérieux quand tu me dis ça ?’. Je ne prends pas la peine de répondre, je me contente de suivre Malo vers l’autre jeune homme. C’est moi qui ouvre la conversation, « Matthew Filsburg c’est ça ? »,  je décoche un sourire ultra brite pour l’occasion, il est faux, comme le reste de cette soirée. Malo reprend la conversation en main « Matthew, c’est Gises l’amie dont je t’avais parlé. ». Autant dire que là, tout de suite, je me sens plutôt  comme un vulgaire morceau de viande.  Malo s’éloigne, m’abandonnant à mon cavalier du soir qui se met à parler, parler et parler encore, je n’entends que ‘bla bla’, parce qu’il faut bien avouer que j’ai du mal à détacher mon regard de mon ami. Comme à son habitude, il fait des ravages auprès de la gente féminine, elles sont toutes là autour de lui à glousser comme des dindes. Autant avant j’arrivais à passer au-dessus de ça, autant maintenant ça devient de plus en plus compliqué, je déteste ce sentiment qui m’envahis, j’aimerais pouvoir crever les yeux de toutes celles qui osent le regarder…  jalouse ? Je ne vois pas pourquoi je le serais… après tout, on est juste amis. Mais alors pourquoi est-ce que ça me fait si mal ? J’ai l’impression de saigner à l’intérieur, j’ai l’impression que rien n’arrêtera cette peine. Si vous saviez à quel point je me déteste d’avoir cédé à ma passion pour lui, parce que maintenant tout est pire et je ne peux même pas lui avouer ce que je ressens. Regardez le … il a l’air de bien s’en sortir sans moi.  Allez, regarde-moi, je suis là moi aussi. Je secoue la tête, comme pour sortir de mes propres pensées et m’excuse auprès de mon ‘rencart’ avant de me diriger vers la sortie. Il faut bien l’avouer, je n’ai jamais été à l’aise dans ce genres de mondanités, tout sent le faux et l’hypocrisie à trois kilomètres à la ronde. Et, je sais bien que je ne fais pas partie des leurs, pour la plupart, ils me regardent avec un certain dédain, celui qui veut dire ‘t’es pas à la hauteur fillette.’ Je ne serai pas là si ce n’était pas pour Malo. Parfois, je me sens vraiment trop conne, je le laisse me trainer dans des soirées pour me présenter à des types alors que moi j’en profite juste pour pouvoir passer plus de temps avec lui. Vous avez dit pathétique ? C’est comme ça que je suis arrivée dehors, j’étouffais à l’intérieur avec leurs conversations superficielles et leur musique assourdissante. J’enlève mes chaussures à talons et profite du contact de mes  pieds libérés de ce carcan dans l’herbe fraiche. J’entends des pas derrière moi, je ne peux empêcher un sourire de naitre sur mon visage parce que je sais parfaitement qui est là. « J’en déduis que c’est mort pour ce pauvre Matthew ? », je me retourne vers Malo en faisant la moue « Le mec m’a parlé pendant 15 minutes de l’intérêt de la physique quantique puis  pendant 20 minutes de comment on pouvait réussir à différencier 2 races d’oiseaux dont j’ai déjà oublié le nom …. Alors oui c’est mort pour Matthew. » Malo se met à rire, je lève les yeux au ciel, « Tu savais qu’il était d’un ennui mortel avoue », il me décoche un sourire ravageur en me tendant une bouteille de Vodka, « Allez … sans rancune Gisette ? ». J’attrape la bouteille en soupirant et en bois une gorgée. Quelques secondes de silence, puis je regarde Malo d’un air malicieux, je pose la bouteille au sol et m’approche de lui. Il fronce les sourcils, se demandant visiblement ce qui se passe dans ma tête, j’approche mes lèvres de son oreille et lui murmure « Chat c’est toi qui y est ! », avant de me mettre à courir dans l’immense jardin du domaine dans lequel nous sommes. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir qu’il doit être en train de lever les yeux au ciel d’un air exaspéré mais il joue le jeu et commence à me courir après.  L’ironie du jeu du chat et de la souris colle parfaitement à notre situation ceci dit. Après quelques minutes de courses, où nous somme redevenus juste deux grands gamins, Malo finit par me rattraper, il me prend par le bras mais comme j’ai décidé de ne pas me laisser faire, nous voici partis dans un grand roulé boulé dans l’herbe, « Stop …. Stop j’en peux plus ! » dis-je entre deux éclats de rire, le sourire de Malo s’élargit, « Ça veut dire que j’ai gagné. ». J’allais lui répondre, mais c’est à ce moment-là que je me rends compte de notre position, nous sommes tous les deux sur le sol et je suis allongée sur lui. Mon sourire tombe et je n’arrive pas à répondre. Les flashs de cette nuit-là me reviennent, j’ai l’impression que quelqu’un s’amuse à élargir une plaie béante à l’intérieur de moi. Je me perds dans ses yeux, lui aussi est soudainement redevenu très sérieux. J’aimerais savoir à quoi il pense. J’aimerais savoir si ce que je ressens est à sens unique mais j’ai bien trop peur de poser la question fatidique. Mon regard glisse jusqu’à ses lèvres, si je m’écoutais, je l’embrasserais là, tout de suite, maintenant. Rien qu’à cette simple idée, j’ai l’impression que mon cœur va bondir hors de ma poitrine. Doucement, Malo remet une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille, je ne peux pas tricher, ce simple contact m’électrise, un frisson traverse mon corps qui se sent enfin à sa place contre celui du jeune homme.  Tout de cette situation me ramène à cette nuit-là, mon corps, mon cœur, mon cerveau, se rappellent du moindre détail, de la passion ressentie, de cette sensation d’être enfin complète, je suis sure que je pourrais dessiner les contours de son corps du bout des doigts. Je vais finir par devenir dingue, il est si proche et si loin à la fois…  C’est une drogue, une putain de drogue, maintenant que j’y ai gouté je ne peux plus m’en passer, plus addictif que l’héroïne, plus dangereuse que le crack, plus enivrante que le shit, plus hallucinante que l’ecstasy, et comme toutes les drogues j’ai l’impression qu’il va me faire crever. Et comme toute droguée j’aimerais ressentir ses effets encore une fois, pitié rien qu’une fois. J’suis en manque et mon cœur menace d’explosé sous cette tension, cette passion palpable pour tous ceux qui pourraient passer à ce moment-là. Malo pourra me présenter tous les Matthew Filsburg de la planète, il n’y a que lui que je veux…  Mon regard se plonge à nouveau dans le sien ... il me tue, m'empoisonne, me flingue, me déglingue, m'achève, m'emprisonne, me possède, me hante, m'obsède, me rend maso, me détruit mais me complète. C'est de la folie furieuse, il n y' a pas assez de mots dans notre foutu système solaire pour exprimer ça. Si il savait toute l'emprise qu'il a sur moi, il pourrait me faire aller au bout du monde si il le voulait. Il est la pire de mes faiblesses mais certainement aussi ma plus grande force. Si il savait ce qui me passait par la tête, il me prendrait certainement pour une folle. Cette nuit là a définitivement tout changé... Je sens ma raison qui me rappelle à l’ordre, mais, alors que je pourrais rester des heures là à sentir mon cœur battant contre le sien. Je me détache de lui pour m’allonger à ses côtés, je regarde les étoiles et soupire, « Ouais t’as gagné… »